C’est la rapporteure de l’ONU, Leilani Farha, spécialisée dans le droit au logement, qui le dit après un séjour d’une dizaine de jours chez nous. La France peut être fière de sa législation exemplaire, mais elle a du mal à l’appliquer. Qu’il s’agisse des hébergements d’urgence pour les sans-abris, des logements insalubres ou des campements de migrants, le bilan établi dans son rapport est sans appel.
Une législation jugée exemplaire
Pays des droits de l’Homme, la France a institué le Droit opposable au logement dans la loi DALO du 5 mars 2007. Pour autant, le nombre de sans-abris est en constante augmentation (+ 50 % entre 2001 et 2012, selon la FAB). Madame Farha estime que le système français éloigne de nombreuses personnes des services d’hébergement d’urgence. En particulier, le 115, numéro d’urgence sociale, est souvent débordé, malgré l’augmentation conséquente du nombre de places d’hébergement d’urgence.
Un traitement des sans-abris considéré comme « cruel »
La rapporteure s’appuie sur les chiffres 2014 de l’INSEE :
- 140 000 SDF,
- 12 000 personnes vivant dans la rue.
Il est vrai que plus de 3 600 personnes dormaient dans la rue et les espaces publics à Paris en février 2019 (+ 20 %). Mais le Gouvernement a fait en sorte d’ouvrir, avec son plan hiver, 7 000 places de plus en Île de France, soit 112 000 places en hiver contre 105 000 places le reste de l’année. Cependant, la spécialiste du logement considère comme « cruel » de faire fluctuer l’offre de places d’hébergement d’urgence selon les saisons. Elle estime également que notre gestion des expulsions et des évacuations de campements ne respecte pas les droits de l’Homme. Pour elle, la sécurisation des frontières à Calais a bénéficié de plus de fonds que le logement des personnes.
Un manque de consultation des organismes sociaux et humanitaires
Après s’être entretenue avec les travailleurs sociaux, les associations humanitaires ou encore les familles de SDF, Mme Farha a retenu que le Gouvernement ne consulte pas suffisamment ces organismes, toutes catégories confondues. Elle souhaite que le Gouvernement français établisse des politiques du logement d’urgence plus ambitieuses, citant par exemple le modèle norvégien « Logement d’abord ». Or il se trouve que le Gouvernement a lancé, en octobre dernier, son plan Logement d’abord pour 2018-2022. Même si le dernier rapport de la FAB juge que les résultats se font attendre, sa mise en oeuvre a déjà permis à 70 000 sans-abris d’accéder au logement en 2018. En conclusion, la rapporteure de l’ONU, qui trouve inacceptables un nombre de sans-abris et de morts dans la rue aussi élevé dans un pays riche, précise que la France a tous les atouts pour mettre en oeuvre une politique du logement d’urgence plus respectueuse des droits de l’Homme.