Le taux d’usure du crédit immobilier complique la situation des petits emprunteurs

Par Nicolas Augé le 17 avril 2020 à 11:27
Mis à jour le 07 mai 2024 à 15:23

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La crise sanitaire actuelle a quasiment stoppé le marché immobilier et la publication des taux d’usure en vigueur au 1er avril 2020 vient encore compliquer les choses. Le taux d’usure sur les crédits immobiliers de 20 ans et plus, qui avait déjà subi ne baisse de 0,16 % au trimestre précédent, ont encore diminué de 0,10 %. Au total, les taux d’usure ont baissé de 0,86 % en 3 ans alors que les taux pratiqués en moyenne, sur la même durée, n’ont baissé que de 0,15 %.

Risque d’exclusion des emprunteurs modestes

De façon automatique, cette nouvelle baisse du taux d’usure va exclure les emprunteurs aux profils moins solides. Les banques n’ont pas le droit de leur appliquer un taux plus élevé que le taux d’usure (2,51 %), seul moyen pour elles de continuer à leur prêter. Or les emprunteurs modestes subissaient déjà, depuis janvier 2020, le contrecoup des recommandations du HCSF.

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Le taux d’usure est fixé en tenant compte des taux moyens pratiqués par les banques pendant le trimestre précédent. Le taux publié au 1er avril a encore baissé par rapport à celui du 1er janvier (0,10 % pour les crédits sur 20 ans et plus). Parallèlement, plusieurs d’entre elles ont augmenté leurs taux récemment (en moyenne 0,25 %). Depuis le début de la crise sanitaire, l’immobilier est à l’arrêt et le crédit avec lui. Mais dès que l’activité va reprendre, les emprunteurs modestes vont être pris en tenaille entre, d’un côté, des taux bancaires proposés au-dessus du taux d’usure et, de l’autre, l’interdiction formelle de pratiquer des taux plus élevés. Dès lors, leurs profils vont être, d’office, exclus du crédit immobilier.

Des recommandations du HCSF trop sévères ?

Le HCSF a recommandé aux banques de respecter la limite de 33 % de taux d’endettement et de ne pas attribuer de prêts d’une durée supérieure à 25 ans. Dès lors, de nombreux profils d’emprunteurs ont été sanctionnés automatiquement. C’est le cas notamment des profils disposant d’un revenu inférieur à 25 000 euros annuels (plus des deux tiers des refus bancaires). Même chose pour les investisseurs qui bénéficient déjà d’un crédit immobilier pour leur résidence principale, le nouveau crédit faisant dépasser le plafond des 33 % d’endettement (près d’un tiers des refus bancaires). L’effet ciseau créé par la simultanéité d’une hausse des taux d’intérêt pratiqués et d’une baisse des taux d’usure vient encore noircir le tableau. Cela risque de ne pas s’améliorer, puisque le taux d’usure n’est basé que sur les dossiers acceptés, c’est-à-dire ceux bénéficiant des taux les plus bas. Est un prêt usuraire tout prêt dont le TAEG dépasserait de plus du tiers la moyenne des taux pratiqués. L’APIC (association professionnelle des intermédiaires en crédit) propose de relever cette marge d’un tiers, pour augmenter l’écart entre la moyenne des taux pratiqués et le taux d’usure. De cette façon, pour une moyenne de 1,88 % sur 20 ans, le taux d’usure publié par la Banque de France serait de 3,38 % (contre 2,51 % au 1er avril 2020). Cette marge supplémentaire permettrait de réintégrer les profils les plus modestes.