Après deux années agitées, le placement immobilier collectif reprend des couleurs. Le rapport ASPIM–IEIEF publié en mai 2025 livre une photographie actualisée du secteur des SCPI (Sociétés Civiles de Placement Immobilier). Et les signaux sont plutôt encourageants. En ce début d’année, sur le premier trimestre 2025, la collecte nette dépasse le milliard d’euros, en hausse de 35 % par rapport au premier trimestre 2024. De quoi confirmer que les investisseurs réaffirment leur confiance envers la pierre papier, malgré les turbulences récentes.
Mais cette reprise ne se résume pas à une simple embellie. Pour en mesurer la portée réelle et en sortir un comparatif SCPI concret, il faut analyser les dynamiques profondes : profils des SCPI qui séduisent, évolution du marché secondaire, ajustements sur les prix et les dividendes, ainsi que les perspectives en termes de rendement et de gestion des risques.
Un intérêt renforcé pour les SCPI généralistes
La hausse de la collecte ne concerne pas toutes les SCPI de manière uniforme. Près de trois souscriptions sur quatre (71 %) au T1 2025 ont ciblé des SCPI à stratégie diversifiée, confirmant l’attrait des épargnants pour les fonds multi-actifs. Loin derrière, les SCPI de bureaux (17 %), santé-éducation (5 %), logistique (3 %), commerce (2 %) ou résidentiel (1,6 %) peinent à retrouver leur attractivité d’antan.
Ce recentrage sur la diversification traduit une logique de prudence et d’optimisation du couple rendement/risque. En misant sur plusieurs typologies d’actifs et localisations, les SCPI diversifiées apparaissent comme les plus à même de lisser les aléas conjoncturels et sont au top du classement SCPI.
Moins de retraits : une liquidité mieux maîtrisée
La situation s’améliore aussi du côté du marché secondaire. Le volume des parts en attente de retrait représente 2,6 % de la capitalisation globale, soit une diminution de près de 5 % par rapport à la fin 2024. Cette détente, bien qu’encore partielle, témoigne d’une régulation progressive des flux sortants.
Il est à noter que les SCPI de bureaux concentrent encore à elles seules 70 % de la valeur totale des parts en attente, signe que le segment reste sous pression. Pour autant, l’assainissement global du marché se confirme.
Des politiques de distribution plus sélectives
Le début d’année 2025 s’inscrit dans une logique de prudence sur les rendements. 64 % des SCPI ont maintenu ou revalorisé leur distribution, avec une hausse moyenne pondérée de 7 % pour celles qui ont franchi le pas. En parallèle, 36 % des fonds ont choisi de baisser leur dividende trimestriel, de 15 % en moyenne pondérée.
Ce choix, loin d’être purement défensif, permet aux gérants de reconstituer des marges de manœuvre financières. Dans un contexte où les coûts de financement, les besoins de travaux et les exigences réglementaires pèsent sur les résultats, cette stratégie vise à préserver la pérennité des patrimoines.
Un rendement trimestriel globalement stable
Le taux de distribution moyen pondéré des SCPI s’établit à 1,13 % au T1 2025, un niveau équivalent à celui enregistré un an plus tôt. Ce rendement SCPI trimestriel cache cependant de fortes disparités selon les stratégies d’investissement adoptées.
Certains fonds affichent des performances robustes, notamment dans les secteurs de la logistique ou du tourisme. D’autres, notamment ceux exposés à l’immobilier de bureaux, adoptent une posture plus défensive dans l’attente de meilleures conditions de marché.
Ajustements des valeurs de parts : une phase de digestion
Sur les trois premiers mois de l’année, 13 SCPI à capital variable ont procédé à une baisse de leur prix de souscription, contre 7 revalorisations. Au total, cela se traduit par un recul moyen pondéré de 3,5 % sur l’ensemble du marché.
La baisse est plus marquée pour les SCPI spécialisées dans les bureaux (-4,9 %), tandis que les autres catégories limitent la casse à -1,6 %. Ces ajustements traduisent une volonté d’alignement avec les nouvelles valeurs d’expertise, tout en évitant les à-coups brutaux.
Capitalisation : un léger repli maîtrisé
Au 31 mars 2025, la capitalisation totale des SCPI s’élève à 86 milliards d’euros, en retrait de 3 % par rapport au trimestre précédent. Cette évolution reflète à la fois l’impact des corrections de valeur et une dynamique de collecte qui, bien qu’en hausse, reste en phase de normalisation.
Ce recul contenu est néanmoins le signe que la confiance revient. Le marché ne subit plus d’effondrement, mais s’adapte à un environnement économique transformé.
Retour sur 2024 : des rendements très segmentés
L’analyse des performances 2024 éclaire le redémarrage actuel. Sur l’ensemble de l’année, le taux de distribution moyen pondéré s’est élevé à 4,72 %, tandis que la valeur de réalisation par part a baissé de 5,8 % en moyenne pondérée. Résultat : le rendement global immobilier ressort à -1,1 %.
Ce chiffre doit toutefois être nuancé. Seules les SCPI exposées majoritairement aux bureaux enregistrent une performance globale négative (-5,1 %). En revanche, les autres catégories (commerces, résidentiel, santé, tourisme…) affichent un rendement global pondéré de +3,8 %, avec des pics à près de 6 % pour certaines SCPI logistiques ou diversifiées.
Taux d’occupation et endettement sous surveillance
Du côté des indicateurs opérationnels, le taux d’occupation financier (TOF) moyen pondéré des SCPI s’établit à 92,2 % en 2024. Cela signifie que la grande majorité des immeubles détenus par les SCPI sont loués, même si certains locaux sont temporairement vacants pour cause de travaux ou de transition. Dans le détail : 88,9 % des surfaces sont occupées, 2,7 % sont louées avec franchise de loyer, 0,2 % font l’objet d’une promesse de vente et 0,4 % sont en restructuration lourde. Ce taux global est en léger recul par rapport à 2023 (93,3 %), en raison notamment de la fin de certains chantiers de rénovation qui entraînent une vacance temporaire avant relocation.
Côté dette, le ratio moyen pondéré des dettes et autres engagements financiers des SCPI s’élève à 18,4 % de la valeur totale de leurs actifs (en intégrant les engagements futurs comme les achats en VEFA). Ce chiffre est en baisse de 3 points par rapport à fin 2023 (21,4 %), ce qui marque un retour à un niveau plus soutenable. Cette évolution traduit une gestion plus prudente du levier financier par les sociétés de gestion, dans un contexte où la hausse des taux et les corrections de valeur ont incité à limiter l’endettement.
Perspectives : vers une reprise progressive mais différenciée
Les données du premier trimestre 2025 confirment que le secteur des SCPI a franchi un point d’inflexion. Collecte, distribution, valorisation : tous les marqueurs montrent des signes de stabilisation. Mais cette reprise reste contrastée selon les segments.
Pour les investisseurs, cela implique de redoubler de vigilance dans le choix des SCPI. Diversification, solidité financière, stratégie d’allocation, taux d’occupation, frais… chaque critère mérite un examen attentif.
L’environnement reste exigeant, mais les opportunités ne manquent pas. Pour les épargnants bien informés, c’est peut-être le bon moment pour se positionner sur des SCPI solides, résilientes, et bien pilotées.