Pourquoi 70 % des diagnostics énergétiques sont encore erroné (et ce que l’État prépare)

Par Cyril KUHM le 20 juin 2025 à 08:00
Mis à jour le 22 juin 2025 à 11:37

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Pourquoi 70 % des diagnostics énergétiques sont encore erroné (et ce que l’État prépare)

Le diagnostic de performance énergétique, plus couramment appelé DPE, occupe aujourd’hui une place centrale dans la politique immobilière française. Pourtant, malgré son importance croissante, cet outil rencontre toujours des problèmes récurrents de fiabilité et d’homogénéité. Face à ces difficultés, la possible introduction d’une carte professionnelle pour les diagnostiqueurs suscite de nombreux débats. Mais qu’impliquerait concrètement une telle mesure pour la filière et pour les propriétaires ? Voici un décryptage complet des nouvelles orientations.

Pourquoi le DPE est-il si déterminant ?

Depuis sa généralisation, le DPE conditionne nombre de transactions immobilières.

Vendre ou louer un bien sans présenter ce document relève désormais de la gageure ; la réglementation l’impose lors de chaque mise sur le marché.

Ce diagnostic influe directement, non seulement sur le prix du logement, mais aussi sur l’éligibilité à certaines locations ou aides à la rénovation.

Les enjeux environnementaux viennent s’y ajouter.

Diagnostiquer précisément la consommation énergétique d’un bâtiment permet de guider les efforts vers plus d’économie d’énergie et moins d’émissions de gaz à effet de serre.

Pourtant, obtenir un résultat fiable qui reflète vraiment la performance réelle du bien reste délicat pour beaucoup de ménages.

DPE : comment expliquer les critiques persistantes ?

Il n’est pas rare de voir deux professionnels délivrer deux classements différents pour un même logement.

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L’hétérogénéité des résultats nourrit depuis longtemps la méfiance des consommateurs comme celle des observateurs publics.

De multiples inspections ont déjà signalé des taux préoccupants d’erreurs dans les diagnostics effectués.

Ce manque de cohérence pose plusieurs soucis pratiques. Outre la confusion chez les particuliers, il affaiblit l’efficacité des politiques publiques qui reposent sur ces données.

Quand 70 % des DPE contrôlés présentent au moins une anomalie, c’est toute la chaîne de confiance autour du diagnostic qui se retrouve fragilisée.

Les failles du secteur et la question de la formation

L’ouverture rapide du marché a favorisé l’arrivée de nombreux nouveaux professionnels, parfois peu préparés aux exigences du métier.

Actuellement, un simple passage par la certification suffit à exercer – sans autre mesure systématique d’identification.

Cette absence de carte professionnelle rend les contrôles plus compliqués et permet, théoriquement, à des profils insuffisamment formés d’intervenir sur des missions sensibles.

Certains évoquent également le risque lié à la confusion entre organismes de formation et d’évaluation. Mélanger ces rôles favorise d’éventuels conflits d’intérêts.

Mieux séparer ces missions pourrait solidifier l’ensemble du dispositif, tout en garantissant que les compétences nécessaires soient bien acquises avant d’entamer une carrière dans le domaine.

Des limites structurelles dans la méthode de calcul

Si le manque de formation de certains diagnostiqueurs est souvent mis en cause, il ne faut pas négliger les limites intrinsèques de la méthode 3CL2021, sur laquelle reposent aujourd’hui tous les DPE en France. Ce modèle repose sur des scénarios théoriques d’usage standardisés (températures de consigne, durée d’occupation, ventilation) qui ne reflètent pas toujours la réalité de chaque foyer.

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En particulier, les logements anciens – notamment ceux construits avant 1948 – sont souvent mal modélisés : apports solaires sous-estimés, inertie thermique ignorée, profils climatiques trop génériques… Résultat : des écarts parfois très significatifs avec la consommation réelle.

Plusieurs études ont ainsi montré que certains DPE pouvaient surestimer les besoins énergétiques de plus de 50 %, sans qu’aucune erreur de diagnostic ne soit en cause. Une difficulté qui relance la question de l’intégration, à terme, de données issues des factures ou des compteurs connectés, avec le consentement des propriétaires, pour affiner les résultats.

Quels changements avec une carte professionnelle ?

L’idée d’instaurer une carte professionnelle vise plusieurs objectifs majeurs.

Premier point : renforcer la traçabilité et l’identification des diagnostiqueurs certifiés, rendant plus facile leur supervision.

Un tel outil fournirait aussi un filtre supplémentaire à l’entrée dans la profession, en imposant des critères plus stricts de qualification et de probité.

En structurant davantage la filière, on espère aussi limiter le nombre de diagnostics erronés ou contestables.

La carte servirait de gage de sérieux, ce qui pourrait restaurer la confiance aussi bien auprès des acheteurs que des bailleurs.

Voici quelques bénéfices potentiels attendus :

  • Meilleure transparence quant aux intervenants habilités
  • Vérification simplifiée du parcours professionnel du diagnostiqueur
  • Renforcement du contrôle et sanction en cas de manquements répétés
  • Marge réduite pour les installations frauduleuses ou amateurs

Rôle croissant du numérique et aide apportée par l’IA

Au fil des années, tous les DPE validés sont stockés sur la plateforme centralisée dédiée à cet effet.

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Pour autant, le contrôle automatisé ne détecte à ce stade que les incohérences les plus évidentes.

Les outils existants atteignent rapidement leurs limites lors de comparaisons statistiques massives ou de corrélations fines entre différents points de données.

L’irruption de l’intelligence artificielle promet de changer la donne. Grâce à ses capacités d’analyse étendue, l’IA pourrait repérer plus de dérives systématiques, identifier des groupes d’anomalies ou proposer des pistes d’audit ciblées.

Ce serait synonyme de moins d’erreurs passées sous silence et donc, à terme, une amélioration générale de la fiabilité du dispositif.

Entre réglementations et attentes sociétales : où va le métier ?

La montée progressive des exigences législatives impose aux professionnels du DPE de suivre des remises à niveau régulières.

Certains dispositifs d’aide à la rénovation exigent d’ailleurs la présentation d’un DPE récent et fiable, faute de quoi les propriétaires peuvent perdre certains droits ou subir des sanctions indirectes.

Côté usagers, l’inquiétude persiste dès qu’on évoque la fameuse catégorie E ou la crainte de voir un bien rejoindre le rang des passoires thermiques.

Les réformes successives cherchent donc à réduire cette incertitude en dotant la profession d’outils plus solides, parmi lesquels la future carte professionnelle s’annonce comme une évolution emblématique.

Quelles perspectives pour les propriétaires et candidats à la location ?

Des mesures renforcées concernant le diagnostic pourront impacter directement la valorisation des biens.

Dans un contexte où la transition écologique devient prioritaire, la pression monte sur les ménages pour entreprendre isolations et rénovations améliorant la note DPE.

À court terme, il faudra concilier respect des normes, accessibilité financière et sécu­risation du processus pour tous les acteurs concernés.

Pour aborder plus sereinement le virage réglementaire, rester informé des évolutions à venir et se tourner vers des diagnostiqueurs reconnus constituera un véritable atout.

L’encadrement accru, couplé à la digitalisation grandissante des procédures, pourrait progressivement placer le DPE sur le chemin d’une crédibilité retrouvée.