Derrière ses 44 hectares en plein cœur de Rome, le Vatican cache un patrimoine immobilier colossal. Peu visible mais pourtant bien réel, l’État le plus petit du monde figure parmi les plus grands propriétaires immobiliers d’Europe. Focus sur un empire bâti en silence, désormais scruté à la loupe.
De l’Italie à l’international : un patrimoine bâti sur un siècle d’histoire
Créée en 1929 par les accords de Latran, la Cité du Vatican a hérité d’un lourd passé politique. Privée de ses États pontificaux dès 1870, l’Église a été indemnisée pour les territoires confisqués. Avec cette compensation, les papes successifs ont investi, en priorité, dans la pierre.
Ces choix stratégiques ont permis à l’État pontifical d’accumuler un patrimoine de plus de 5 000 biens immobiliers dans le monde, dont plus de 4 000 en Italie. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce portefeuille ne se limite pas aux églises, séminaires ou couvents : il comprend aussi des appartements, des immeubles résidentiels, des locaux commerciaux, parfois en plein centre de grandes capitales européennes.
Paris, Londres, Genève : des adresses prestigieuses
À Paris, 737 biens sont recensés dans les quartiers les plus recherchés : boulevard Saint-Michel, Champs-Élysées, Odéon… Près de 56 000 m² de surface estimés à près de 600 millions d’euros. À Londres, on retrouve une présence sur des adresses stratégiques telles que Kensington ou Saint James Square, pour une valeur estimée à plus de 100 millions d’euros. En Suisse, le Saint-Siège détient 140 biens, principalement à Genève et Lausanne, pour un total de plus de 91 millions d’euros.
À Rome, une ville dans la ville
C’est bien sûr dans la capitale italienne que le patrimoine du Vatican est le plus visible. Des immeubles entiers bordent la Via della Conciliazione, qui mène à la basilique Saint-Pierre. Sur 1,6 million de mètres carrés gérés à Rome, seule une partie est mise en location classique. Environ 30 % des logements sont proposés à loyers modérés, souvent à destination d’employés du Vatican ou de retraités. Plus de la moitié des bâtiments sont utilisés à des fins religieuses, éducatives ou caritatives, sans logique commerciale.
Certains biens, pourtant en position ultra-stratégique, sont dédiés à des causes sociales ou religieuses, parfois mis gratuitement à disposition d’écoles ou de centres de formation. Cette gestion atypique reflète une vision à contre-courant des logiques de rentabilité habituelles.
Vers plus de transparence et de rigueur dans la gestion
Longtemps critiqué pour le flou entourant ses finances, le Vatican a engagé sous le pontificat de François un important chantier de transparence. En 2021, pour la première fois, l’Administration du Patrimoine du Saint-Siège (Apsa) a publié un budget détaillé, révélant l’étendue des actifs immobiliers.
Dans la foulée, le pape a centralisé la gestion de plusieurs propriétés, notamment celles acquises à Londres via des circuits opaques. L’objectif : reprendre le contrôle et éviter les dérives. Un ancien président de la banque du Vatican a d’ailleurs été condamné à près de neuf ans de prison pour avoir orchestré des ventes frauduleuses de biens immobiliers dans les années 2000.
Un empire discret mais scruté
Derrière la solennité de ses jardins et de ses palais, le Vatican s’impose comme un acteur discret mais majeur du marché immobilier européen. Si ses investissements ont longtemps été considérés comme stratégiques et stables, le contexte actuel impose désormais des règles de gestion plus modernes, plus transparentes, et parfois plus contraignantes.
Ce virage vers la transparence, amorcé depuis quelques années, n’enlève rien à l’ampleur de ce patrimoine unique. Il rappelle surtout qu’au-delà de sa mission spirituelle, le Vatican reste aussi un acteur économique d’envergure, présent dans les grandes métropoles et en constante mutation.