La “France de propriétaires” promise depuis cinquante ans vacille. Entre fiscalité durcie depuis 2017, taux en hausse et prix déconnectés des revenus, l’accession devient hors de portée pour de nombreux ménages, surtout les jeunes. Que reste-t-il du rêve sarkozyste ?
La “France de propriétaires” une ambition politique devenue mirage
Des promesses vieilles de 50 ans
Depuis Valéry Giscard d’Estaing jusqu’à Nicolas Sarkozy, l’idée d’une « France de propriétaires » symbolise la réussite et la stabilité sociale. Ce rêve national s’appuyait sur une croyance simple : devenir propriétaire, c’était accéder à la liberté économique. En 2007, Sarkozy relance ce projet avec la promesse d’un crédit immobilier accessible à tous.
Mais le contexte change. L’endettement des ménages explose, les taux montent, et les salaires stagnent. L’idéologie de la propriété universelle se heurte à la réalité du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, seule une minorité parvient encore à boucler un financement sans aide extérieure.
Quand les politiques ont favorisé les investisseurs plutôt que les acheteurs
De Borloo à Pinel, les dispositifs fiscaux ont encouragé l’investissement locatif plutôt que l’achat de résidence principale. Les ménages modestes, eux, n’ont bénéficié d’aucun levier équitable. Résultat : une France de bailleurs plutôt que de propriétaires. Le rêve d’un logement pour tous s’est transformé en marché spéculatif, accentuant la fracture sociale entre ceux qui possèdent et ceux qui louent.
Les écarts se creusent davantage dans les grandes villes où la pression foncière rend tout projet d’achat illusoire. La propriété, jadis symbole d’ascension, devient un privilège rare.
2017–2025 le tournant fiscal sous Emmanuel Macron
L’impôt sur la fortune immobilière et la fin de la neutralité fiscale
En 2017, le passage de l’ISF à l’IFI marque un tournant majeur. Les patrimoines financiers sont épargnés, mais l’immobilier devient la cible. Pour de nombreux Français, cette réforme sonne comme une pénalisation injuste des classes moyennes, souvent propriétaires de leur résidence principale. La fiscalité du logement se transforme en fardeau, freinant l’investissement et décourageant l’achat.
En parallèle, la suppression de la taxe d’habitation s’accompagne d’une hausse de la taxe foncière. Résultat : les propriétaires paient plus, pour moins de stabilité. Les coûts d’entretien et de fiscalité s’ajoutent à des crédits déjà plus chers, mettant en péril des budgets familiaux fragiles.
Encadrement, taxes et rentabilité en berne
L’encadrement des loyers, la réforme du statut LMNP et la hausse des droits de mutation ont affaibli la rentabilité locative. Dans les grandes villes, elle chute sous les 2,5 %, poussant certains propriétaires à se tourner vers la location saisonnière. Ce mouvement accentue la pénurie de logements disponibles à long terme.
Le marché immobilier devient ainsi paradoxal : les prix stagnent, les acheteurs se raréfient, et les vendeurs peinent à céder leur bien. Le rêve d’un patrimoine accessible se transforme en casse-tête fiscal et financier.
Une génération privée de toit et d’espoir
Les jeunes premières victimes de la flambée des taux
Entre 2022 et 2025, les taux immobiliers sont passés de 1 % à plus de 3,2 %. Cette hausse a suffi à exclure une génération entière du marché de la propriété. Les jeunes actifs, déjà fragilisés par le coût de la vie, voient leur capacité d’emprunt s’effondrer. Un appartement de 250 000 euros en 2017 n’est plus qu’un rêve en 2025.
Les courtiers parlent désormais de “génération locataire”. À l’impossibilité d’acheter s’ajoute la tension du marché locatif : loyers en hausse, dossiers refusés, espaces réduits. Le logement devient un luxe, non un droit.
Faut-il repenser la politique du logement ?
Face à cette crise, les professionnels réclament une réforme structurelle. Un ministère du Logement fort, une politique territoriale ambitieuse et un soutien réel aux primo-accédants pourraient relancer la confiance. Aujourd’hui, l’immobilier pèse 15 % du PIB français mais reste traité comme une variable d’ajustement.
Rétablir la “France de propriétaires” suppose de redonner du pouvoir d’achat aux ménages, de stabiliser la fiscalité et d’encourager la construction. Sans cela, le rêve sarkozyste restera une page d’histoire, non un projet d’avenir.