Le Premier ministre dévoile ses mesures pour sauver le logement

Par Nicolas Augé le 31 janvier 2024 à 17:54
Mis à jour le 13 mai 2024 à 10:55

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Gabriel Attal à la tribune de l'Assemblée Nationale pour son discours de politique générale

Dans un souci de résoudre la crise du logement en France, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé une série de mesures lors de son discours de politique générale. Alors que le logement représente près de 26,7% des dépenses des Français selon l’Insee, le gouvernement cherche à débloquer la situation avec des actions « radicales ». Mais est-ce vraiment suffisant pour résoudre une crise qui perdure depuis des années ?Au sommaire :

L’appel à un « choc d’offre »

Le Premier ministre a ravivé le concept du «  choc d’offre » pour déverrouiller le logement. Depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, les permis de construire ont chuté de 25%, passant de 497 000 en 2017 à 460 500 en 2018 pour s’établir à 373 100 en 2023, laissant le secteur en crise. Gabriel Attal propose une accélération des procédures dans 20 territoires sélectionnés, en s’inspirant notamment des procédures accélérées des Jeux olympiques de Paris 2024, visant la construction de 30 000 nouveaux logements en trois ans. La réquisition de bureaux vides est également sur la table. Un plan avec trois mesures » phares » qui cherche à dynamiser un marché immobilier en difficulté.

La simplification des normes

Au cœur des propositions d’Attal, la simplification des normes émerge comme une priorité, avec la révision des DPE et l’accès facilité à MaPrimeRénov’. En vue de la rénovation de 700 000 logements par an, Gabriel Attal souhaite simplifier «  Ma Prime Rénov' » et revoir le » Diagnostic de performance énergétique » (DPE), source de controverses. Pour rappel, dès le 1er janvier 2025, les logements classés G seront interdits à la location, imposant une pression supplémentaire pour des rénovations rapides. Pour parvenir à l’objectif fixé par Emmanuel Macron, Gabriel Attal a précisé qu’il y aurait une expérimentation pour valider l’accélération de procédures :

Nous désignerons, dans deux semaines, 20 territoires engagés pour le logement où nous accélérerons toutes les procédures comme nous avons su le faire pour les Jeux olympiques et paralympiques

Alors, certes, l’intention est louable de faire une sorte de «  test d’apprentissage » mais cela ressemble plus à une » mesurette » qu’autre chose.

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La révision de la Loi SRU

Outre la simplification des normes, Gabriel Attal propose de réviser la loi SRU sur les quotas de logements sociaux [source : lefigaro.fr]. Pour rappel, l’article 55 du dispositif Loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), adopté en décembre 2000, a pour but de répondre à la pénurie de logements sociaux en fixant des quotas minimum pour certaines communes. Pour information, le quota sera à hauteur de 25% d’ici 2025 [source : ecologie.gouv.fr]. Actuellement, le décompte s’effectue comme suit :

  • les logements sociaux,
  • les logements sociaux vendus à leur occupant, pendant une durée maximale de 10 ans,
  • les logements en accession via les dispositifs de PSLA, prêt social location accession (pendant la phase locative, et pendant une durée de 5 ans à compter de la levée d’option), et de BRS, bail réel solidaire.

Cette révision vise à intégrer les logements dits «  intermédiaires », autrement dit des logements locatifs qui sont plutôt destinés aux classes moyennes, dans le calcul des quotas, ce qui aurait un impact sur les objectifs de construction de logements pour les plus modestes. Quand on sait que 75% des demandes de logement social concerne du logement très social, cela n’envoie pas un bon signal pour les ménages les plus dans le besoin. Renaud Payre, vice-président de la métropole de Lyon, estime d’ailleurs que » Confondre logement intermédiaire et logement social, c’est un recul et surtout pas une solution ».

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Le soutien aux bailleurs sociaux

Dans son plan, Gabriel Attal annonce un soutien crucial aux bailleurs sociaux, maintenant le taux de rémunération du livret A à 3% et injectant des fonds pour la rénovation énergétique des logements sociaux [source : lexpress.fr]. Une volonté affirmée de faire évoluer le logement social en incitant les élus à créer de nouveaux programmes. Pour faciliter l’accès au logement, Gabriel Attal avance également l’hypothèse des réquisitions de bâtiments vides, notamment des bureaux. Une initiative prise au sérieux par certains acteurs, mais qui soulève également des préoccupations quant à la méthode. Enfin, il y a la proposition du Premier ministre de confier aux maires la première attribution dans les nouveaux logements sociaux construits sur leur commune, laquelle suscite des débats sur la possible résurgence du clientélisme dans ce processus.

Des réactions plus que mitigées

Les déclarations de Gabriel Attal ont engendré une pléthore de réactions [source : leparisien.fr]. Si certaines voix saluent les efforts pour simplifier l’accès au logement et soutenir les classes moyennes, d’autres expriment des préoccupations quant à l’efficacité des mesures proposées. Henry Buzy-Cazaux, ancien président de la FNAIM et actuel directeur général de l’ISC Paris, estime que d’autres mesures devraient être prises en priorité :

Réformer la fiscalité de l’investisseur et booster les aides à la primo-accession seront nécessaires

Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du Logement et actuelle présidente de l’Union Sociale pour l’Habitat, souligne l’insuffisance des mesures pour résoudre une crise sans précédent :

Ce choc de l’offre, c’est ce que nous avaient promis Emmanuel Macron et son ministre du Logement de l’époque, Julien Denormandie, en 2017. Ça a tellement bien marché que ça a réduit comme jamais l’offre de logements sociaux. 82 000 ont été agréés en 2023, bien loin des 120 000 escomptés. J’aurais aimé qu’il parle de mobilisation générale et de mesures d’ampleur or il n’en est rien. Et comment résoudre une crise d’une ampleur inédite sans financement ?

Christophe Robert, délégué général adjoint de la Fondation Abbé Pierre, déplore l’absence de solutions concrètes pour les ménages modestes :

Le logement intermédiaire, dédié aux classes moyennes, autrement dit aux cadres, est mis en avant, mais ce n’est pas lui qui résoudra le problème du logement, on oublie les deux-tiers de la population, les ménages modestes, les plus pauvres et les classes moyennes inférieures

Une tentative de réforme qui manque d’audace

Entre la réactivation du « choc d’offre », les réformes écologiques et les ajustements aux quotas de logements sociaux, le gouvernement tente de trouver des solutions radicales à une crise persistante. Les annonces de Gabriel Attal suscitent des réactions mitigées, pour ne pas dire autre chose. Alors que le secteur immobilier français attendait des mesures audacieuses, les critiques pointent du doigt l’insuffisance des actions proposées. Autre élément qui a son importance : ces mesures ne représenteront aucun coût pour les finances publiques. Alors que le ministère de l’Économie et des Finances cherche toujours à réaliser des économies (12 milliards d’euros d’ici 2025), le coût de la politique du logement en France est plus élevé que dans la plupart des pays européens, s’élevant à 38 milliards d’euros, soit 1,6 % du PIB, contre seulement 1 % chez la plupart de nos voisins. Est-ce que cet argent est mieux investi ? J’en doute !Pour résoudre cette crise du logement, il m’apparait comme impératif d’adopter une approche globale et inclusive, mettant en avant des solutions concrètes et une véritable volonté politique. Que ce soit de façon consciente ou inconsciente, les primo-accédants et les ménages les plus démunis semblent encore une fois laissés de côté.

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Les vidéos sur ce sujet

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