Les investisseurs immobiliers en danger : fin du dispositif Pinel, quelles solutions ?

Par Nicolas Augé le 12 juin 2023 à 12:09
Mis à jour le 07 mai 2024 à 15:23

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Nouveau bâtiment dans un quartier résidentiel

Le gouvernement a annoncé la fin du dispositif d’investissement locatif Pinel, suscitant de nombreuses interrogations chez les investisseurs. Alors que certains louent déjà des biens dans le cadre du Pinel et d’autres envisagent de se lancer prochainement, la suppression de cet avantage fiscal soulève des questions majeures. Est-il préférable de maintenir son projet d’investissement ? Quels seront les impacts sur l’avantage fiscal ? Décryptage. Au sommaire :

La suppression du dispositif Pinel et ses conséquences pour les investisseurs immobiliers

Le gouvernement a annoncé son intention de ne pas prolonger le dispositif Pinel, ce qui marque la fin d’un parcours pour le dispositif d’investissement locatif défiscalisant le plus célèbre. Cette décision a été prise dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) consacré au logement, avec l’objectif de mettre l’accent sur le logement locatif intermédiaire. En conséquence, le dispositif ne sera pas prolongé dans les prochaines lois de finances et prendra fin en 2024. Néanmoins, il est important de noter que le Pinel se décline en plusieurs variantes, et l’avantage fiscal est échelonné dans le temps. Ainsi, il existe différents dispositifs Pinel coexistants, chacun ayant ses propres règles en fonction de la nature et de l’emplacement du bien acquis. Les investisseurs engagés dans le dispositif appelé «  Pinel + » avant fin 2024 peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt pouvant atteindre 21% du coût de l’acquisition, répartie sur 12 ans de location. Toutefois, l’avantage fiscal est calculé sur une base limitée à 5 500 euros par mètre carré, avec un investissement maximal de 300 000 euros. Pour les investisseurs qui choisissent des biens ne respectant pas les contraintes architecturales et environnementales du » Pinel + », le dispositif classique du Pinel s’applique, avec un avantage fiscal réduit depuis 2023. Le taux de réduction d’impôt maximal pour 12 ans de location est de 17,5% en 2023 et passera à 14% en 2024. Il est important de noter que quelle que soit la catégorie de Pinel, la fin du dispositif est prévue pour fin 2024. En Bretagne, il existe également une expérimentation spécifique du Pinel avec des règles d’éligibilité différentes. Dans ce cas, c’est au préfet de définir le périmètre du territoire éligible à la loi Pinel, ce qui permet de mieux cibler localement les besoins en prêts à taux zéro et en logements locatifs intermédiaires. Il convient également de se pencher sur le dispositif Denormandie, dont la suppression est prévue pour fin 2023, qui offre la même réduction d’impôt que le Pinel, mais avec des conditions spécifiques pour les investissements dans des quartiers anciens dégradés de certaines communes. Une évaluation est en cours pour déterminer l’avenir de ce dispositif, qui répond aux enjeux de rénovation du parc ancien.

Les implications des réformes et des normes énergétiques

Depuis leur introduction en 2014, les dispositifs de location Pinel ont attiré de nombreux investisseurs en offrant des avantages fiscaux attrayants. Mais certains changements récents suscitent des interrogations quant à la viabilité à long terme de ce programme. Selon Charles-Edouard Bourget, notaire à Paris, les lois de finances ne rétroagissent généralement pas, ce qui signifie que les contrats de location Pinel en cours devraient être préservés jusqu’à leur terme. Ainsi, les ménages qui ont souscrit au dispositif les années précédentes ne devraient pas craindre de perdre la réduction d’impôt prévue, même s’ils optent pour une durée de location de 12 ans en 2024. Benoit Vieux, également notaire à Paris, souligne que le taux de réduction d’impôt applicable est déterminé par l’année de souscription au dispositif Pinel :

L’année de souscription détermine les taux de réduction d’impôt applicables. Cela n’a pas été remis en cause par les réformes successives de la loi Pinel. Simplement, on arrêtera de signer de nouveaux Pinel à partir du 1er janvier 2025

Outre l’avenir incertain des locations Pinel, les investisseurs locatifs doivent également faire face à d’autres changements importants. Depuis le 24 août 2022, les loyers des logements classés en catégorie F ou G selon le diagnostic de performance énergétique (DPE) ne peuvent plus être augmentés pendant la durée de la location ou lors du renouvellement du bail. De plus, depuis cette année, les logements les plus énergivores, étiquetés comme des passoires thermiques, doivent progressivement être retirés du marché locatif si des travaux visant à améliorer leur performance énergétique ne sont pas entrepris par les propriétaires. Cette interdiction de location s’étendra d’abord aux logements de catégorie G à partir du 1er janvier 2025, puis aux logements de catégorie F en 2028, et enfin aux logements de catégorie E en 2034. Malgré les critiques qui qualifient souvent les biens loués en Pinel de piètre qualité, certains experts affirment que ces logements ne devraient pas présenter de risques majeurs. En effet, les promoteurs étaient déjà tenus de respecter les normes de construction RT 2012 depuis 2014, ce qui signifie que, sauf en cas de malfaçon, les passoires thermiques devraient être rares. Selon Didier Bellier-Ganière, il n’y a aucune différence entre un logement Pinel et un logement du même programme vendu comme résidence principale. Les promoteurs ne peuvent pas refuser une vente, et lorsqu’ils reçoivent des potentiels acquéreurs par le biais de publicités ou de plateformes immobilières, ils ne savent pas si ces derniers souhaitent acheter pour eux-mêmes ou pour la location. Kurt Vural, directeur commercial du gestionnaire de patrimoine Selexium, souligne également que les immeubles neufs doivent se conformer à des normes et réglementations thermiques strictes :

Si vous avez un problème avec l’immeuble, ce n’est pas à cause du dispositif Pinel mais à cause d’un promoteur défaillant. Le neuf est soumis à des normes et réglementations thermiques élevées. Sur les 15 dernières années, vous n’avez pas un immeuble neuf avec un DPE en dessous de C

A noter que certains logements d’un même immeuble peuvent afficher un DPE individuel plus faible en raison de leur exposition et de leur emplacement, même si l’immeuble dans son ensemble est classé A ou B.

Les opportunités et les risques des dernières opérations Pinel

Depuis son lancement en 2014, le dispositif Pinel a attiré de nombreux investisseurs grâce à ses avantages fiscaux. Selon Kurt Vural, la période actuelle offre des opportunités à saisir. Les promoteurs immobiliers cherchent à accélérer la commercialisation en proposant des offres attractives, telles que des réductions de prix ou des frais de notaire offerts. Cela signifie que les investisseurs ayant la capacité d’acquérir et de bénéficier de la défiscalisation pourraient tirer profit de ces mesures incitatives. Mais, il parait évident que cette focalisation sur la fin du dispositif Pinel comporte également des risques. Une ruée vers ce dispositif pourrait conduire à une saturation du marché locatif, ce qui rendrait difficile la recherche de locataires. De plus, si l’offre excède la demande, les investisseurs pourraient être contraints de revendre leur bien à un prix inférieur à celui d’achat, en raison de la concurrence. Kurt Vural souligne que, dans le cadre d’un investissement locatif avec défiscalisation, il n’a jamais rencontré de particulier ne parvenant pas à respecter le délai de mise en location de 12 mois maximum après l’achèvement du bien. Il met néanmoins en garde sur les futures reventes. Les investisseurs ont encore peu de recul sur ce point, car le dispositif Pinel a débuté en 2014. Les premières reventes, qui interviennent après un engagement minimum de 6 ans, se sont déroulées dans un environnement favorable avec des prix élevés sur le marché de l’ancien et des taux d’intérêt bas. Dans un contexte de marché baissier, il est essentiel que les investisseurs soient particulièrement vigilants quant à l’emplacement et à la qualité des biens immobiliers qu’ils acquièrent. Il est recommandé de vérifier que le marché locatif est solide à moyen ou long terme, car l’avantage fiscal a une date de fin connue, tandis que le bien immobilier reste un actif dans le patrimoine de l’investisseur. L’investissement dans le Pinel s’inscrit souvent dans une logique patrimoniale, conseillée par des professionnels du secteur. Outre le coût d’acquisition et les frais de notaire, les investisseurs doivent également prendre en compte les commissions perçues par les intermédiaires. Ces frais ont été plafonnés à 10 % du prix de revient du logement pour éviter d’éventuels abus. Bref, les dernières opérations Pinel offrent des opportunités intéressantes pour les investisseurs, mais ils doivent également être conscients des risques potentiels. Choisir judicieusement l’emplacement du bien, évaluer les frais supplémentaires et se montrer vigilant face à la concurrence sur le marché locatif sont des aspects cruciaux à considérer avant de se lancer dans ce type d’investissement.