Les promoteurs immobiliers des Hauts-de-Seine saisissent le procureur pour escroquerie

Par Nicolas Augé le 18 décembre 2019 à 18:40
Mis à jour le 07 mai 2024 à 15:23

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Les promoteurs du 92 ont décidé, par l’intermédiaire de la Fédération des Promoteurs Immobiliers d’Ile de France, de saisir le Procureur de la République des agissements de Vassili Perinet. L’homme, un marchand de biens et représentant d’une assurance vie luxembourgeoise, aurait bloqué les permis de construire de 1 500 logements résidentiels dans plusieurs villes des Hauts-de-Seine (Suresnes, Courbevoie, Asnières-sur-Seine, etc. ).

Recours abusif retiré moyennant finances

L’homme a déposé, depuis un an, une vingtaine de recours contre des permis de construire, dont la moitié à Colombes. Jusqu’ici, rien d’anormal, mais l’affaire va plus loin : une fois son recours déposé, il prend contact avec le promoteur pour lui proposer de retirer son recours moyennant une somme coquette. Cela semble être en effet sont principal objectif : obtenir des promoteurs un accord transactionnel signé. Devant cette situation, devenue insoutenable selon la fédération, cette dernière a décidé de porter l’affaire devant la justice. Le procédé semble bien au point. Dans un premier temps, il a acquis plusieurs biens à proximité des projets immobiliers. Dans un second temps, disposant de l’intérêt à agir en tant que « voisin », il dépose un recours en annulation contre le permis de construire. Le jour de l’audience, le recours s’avère totalement abusif. Mais entre-temps, il contacte le promoteur qui, souhaitant faire avancer son projet, est prêt à signer un protocole d’accord pour obtenir le retrait du recours. Les professionnels ne sont pourtant pas dupes. Les recours sont tous des copiés-collés. Au point que certaines informations sont erronées. Et pour être contacté, le marchand de biens ajoute son numéro de téléphone portable à la main, afin d’être recontacté. Il a, par exemple, réclamé 30 000 euros à l’un des promoteurs immobiliers pour retirer son recours.

Des agissements qui bloquent la construction de logements sociaux

Dans une période où les mises en vente de logements neufs diminuent, le blocage de 1 500 logements augmente les difficultés. Pire, dans une ville comme Colombes, où le nombre de logements sociaux est déjà déficitaire, ce sont des centaines de logements sociaux qui sont suspendus au jugement de ces recours. L’arrêt des chantiers risque par ailleurs d’entraîner des dépassements de délais qui éteindraient les subventions publiques liées à ces chantiers. Selon la fédération, le marchand de biens serait responsable du blocage de 5 % des chantiers en Île de France. La décision du procureur de la République est donc très attendue. Malheureusement, l’issue favorable n’est pas certaine, dans la mesure où, 400 saisines pour recours abusifs ont été rejetés depuis la loi ALUR. Mais la loi ELAN est venue, par son chapitre VI, améliorer le traitement du contentieux administratif, notamment abusif, ce qui pourrait faciliter l’action de la fédération.

Droit de réponse de M. Vassili Perinet

Propriétaire de plusieurs biens immobiliers dans le département des Hauts-de-Seine, j’ai effectivement déposé, en mon nom ou en qualité de représentant de ma société, plusieurs recours à l’encontre de permis de construire, entre les mois d’août 2018 et de décembre 2019. Cette démarche était légitime et avait pour unique objet de prévenir toute atteinte à mon droit de propriété ou à celui de ma société. Le nombre de chantiers dans le département des Hauts-de-Seine, particulièrement dans certaines communes, est considérable et les nuisances afférentes sont indéniables. Cette démarche ne peut aucunement s’apparenter à une procédure illégale ou abusive. En premier lieu, le nombre de recours formés est, en effet, dérisoire par rapport au nombre de permis de construire déposés, chaque année, au sein des Hauts-de-Seine. A titre illustratif, ma société ou moi-même avons été parties à 4 recours contentieux durant l’année 2018, alors que 1479 permis de construire ont été accordés, sur la même période, au sein de ce département (source : data.gouv.fr). En second lieu, tous les recours formés visaient à contester des permis de construire de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de onze biens immobiliers, acquis entre 2011 et 2017 soit bien antérieurement aux permis de construire – conformément à l’article L600-1-2 du code de l’urbanisme. Tous les recours formés étaient, en outre, uniques et ont été rédigés de manière circonstanciée et spécifique à l’encontre de permis de construire qui, selon moi, violaient les règles de l’urbanisme. A la suite de ces recours, certains titulaires des permis de construire concernés m’ont approché afin d’indemniser le préjudice que je subissais en contrepartie de mon désistement au recours. En aucun cas je n’ai sollicité de leur part le versement d’une quelconque somme d’argent. Lorsque les procédures n’ont pas pu être résolues amiablement, aucune des recours déposé n’a été jugé abusif par les juridictions administratives. J’ai, en outre, reçu plusieurs courriers de soutien de la part de personnes dans le département des Hauts-de-Seine, qui me témoignent des pressions extérieures qu’ils subissent en vue d’obtenir leur désistement des recours qu’ils ont pu former à l’encontre de permis de construire. Dans ces conditions, je conteste la plainte pénale infondée déposée à mon encontre par la Fédération des Promoteurs Immobiliers d’Ile-de-France (FPI-IDF). Au regard des faits reprochés et des conséquences préjudiciables qu’on causé leur révélation et la divulgation de mes données personnelles – notamment la perte de mon emploi -, je me réserve le droit de porter cette affaire devant les juridictions compétentes.