L’ombre du blacklistage et de la discrimination plane sur les agences immobilières

Par Nicolas Augé le 14 octobre 2023 à 14:53
Mis à jour le 13 mai 2024 à 10:54

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Façade de logements à la française en noir et blanc

L’univers de l’investissement immobilier recèle bien des mystères, et le blacklistage en est un dont les investisseurs doivent se méfier. Nous allons également nous attarder sur le phénomène de discrimination par les agences immobilières. Le point autour de deux phénomènes bien connus dans ce milieu.

Le témoignage d’un investisseur

En 2016, un jeune investisseur immobilier se lançait dans l’aventure de l’investissement locatif à Vezoul. Ses débuts ont été marqués par une série de visites et d’offres agressives pour trouver le bien idéal. À l’époque, manquant d’expérience et n’ayant que 24 ans, il admet avoir commis une erreur avec le recul : des offres bien en dessous du prix demandé, jusqu’à -40% voire -30%.

Les risques des offres agressives

La répétition d’offres excessivement basses auprès des mêmes agents immobiliers peut mettre ces derniers dans une situation délicate vis-à-vis des vendeurs. En effet, les agents sont tenus de transmettre toutes les offres, même celles largement en dessous du prix. Les offres trop basses peuvent ainsi être perçues comme une « insulte », mettant en péril la relation entre l’agent et le vendeur. Les investisseurs peuvent être blacklistés par les agents qui redoutent de perdre des mandats à cause d’offres inappropriées.

Éviter le blacklistage

Pour éviter le blacklistage, les investisseurs doivent justifier leurs offres agressives et adopter une approche plus réfléchie de la négociation. Il est essentiel de considérer le type de bien, l’agent immobilier, et la manière dont les offres sont formulées. Être connu pour des offres excessivement basses peut limiter l’accès à des biens en avant-première. Ainsi, le blacklistage est un risque bien réel pour les investisseurs immobiliers, en particulier dans un marché en crise.

Le blacklistage des locataires

Autre cas de blacklistage connu depuis 2007 grâce à un des rapports annuels de la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL), le blacklistage par les agences immobilières via les listes de données personnelles. Pour certains, il a suffi d’avoir un jour omis de régler leur loyer dans les temps pour se retrouver fichés à vie !Voici d’ailleurs le passage dans le rapport annuel 2007 de la CNIL [source : 28e RAPPORT D’ACTIVITÉ – page 16] :

Par ailleurs, elle (NLDR : la CNIL) a refusé d’autoriser la société Infobail à mettre en œuvre deux traitements relatifs à l’information des professionnels de l’immobilier sur la gestion des impayés ou le recensement des locataires d’immeuble d’habitation respectant leurs obligations de paiement. La CNIL a considéré que ces fichiers portaient atteinte au droit au logement institué par le Législateur, auquel il revient de se prononcer sur la constitution de fichier tant «  négatif » que » positif » dans le secteur du logement (délibérations du 10 juillet 2007).

Il est important de noter que les acheteurs de ces listes sont principalement les agences immobilières, qui semblent peu préoccupées par le fait que les informations recueillies, à l’époque souvent sans le consentement des locataires, ne soient pas régulièrement mises à jour. Toutefois, conformément à un décret de mars 2007, connu sous le nom de « droit au logement opposable », les individus doivent être informés de la raison d’existence de ces fichiers et de leurs destinataires, tout en ayant le droit de s’opposer à leur utilisation à des fins commerciales. Pour en savoir plus sur le droit au logement opposable (DALO) : faire valoir son droit à un logement.

Les alertes sur la discrimination

Enfin, ce n’est une surprise pour personne que de dire que les agences filtrent aussi bien les investisseurs que les personnes à la recherche d’un logement. Comme n’importe quelle transaction, il y a un échange et potentiellement une négociation. Jusque là, rien de répréhensible. Néanmoins, il règne une atmosphère que je qualifierais de « discriminante » dans certains cas. Et les exemples sont légions. Mais parlons plutôt de la campagne de SOS-Racisme de mars 2022 qui a obtenu le chiffre dérangeant de 48,5% d’agences acceptant d’avoir des pratiques jugées discriminantes par l’association [source : capital.fr]. En outre, plus récemment, SOS-Racisme et la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) ont signé un partenariat pour continuer à surveiller ce type de comportement (NDLR : les discriminations au logement) [source : capital.fr]. Enfin, parmi les dernières actualités, il y a l’alerte de la Fondation Abbé Pierre de mars 2023 concernant des cas de discrimination ethnique de la part de certains offices HLM [source : BFMTV].

En bref

Le blacklistage est bel et bien une réalité et les investisseurs ou les acheteurs doivent être conscients des risques potentiels qui découlent de la pratique d’offres agressives. Il est essentiel de négocier de manière intelligente, de se mettre à la place de l’agent immobilier, et d’éviter de se retrouver blacklisté, ce qui pourrait compromettre vos opportunités dans le marché immobilier.

Concernant les problématiques de discrimination, les implications légales de cette pratique ne semblent peu ou prou empêcher les victimes d’y être de plus en plus confrontées. Nous attendons donc avec impatience le bilan du partenariat entre SOS-Racisme et la Fnaim.