Symbole de Caen depuis 50 ans, la tour du CHU va-t-elle disparaître ?

Par Baptiste BIALEK le 08 octobre 2025 à 06:45

... lectures - Temps de lecture : 4 min

Symbole de Caen depuis 50 ans, la tour du CHU va-t-elle disparaître ?

Symbole depuis 50 ans, la tour du CHU de Caen, amiantée et bientôt vidée, coûte cher à sécuriser. Rénover, démolir ou attendre ? L’État doit trancher. Voici l’essentiel pour comprendre les enjeux urbains, financiers et patrimoniaux avant la décision annoncée cet automne.

Un symbole architectural devenu un casse-tête

De l’ambition des années 1970 à la vétusté d’aujourd’hui

Imaginée dans les années 1970 par l’architecte Henry Bernard, la tour du CHU de Caen devait incarner la modernité hospitalière française. Haute de 88 mètres, elle dominait la ville comme un repère visible depuis le périphérique. Pourtant, dès son inauguration, Simone Veil la juge déjà peu fonctionnelle et difficile à exploiter.

Avec ses 23 étages, le bâtiment symbolisait l’espoir d’une médecine centralisée, mais les décennies ont révélé ses faiblesses. Conçue avant les normes actuelles, la structure souffre d’un cloisonnement excessif, d’une ventilation obsolète et d’un manque d’efficacité énergétique criant.

Un bâtiment malade et coûteux à entretenir

Truffée d’amiante, la tour a déjà nécessité un désamiantage de 40 millions d’euros en 2007. Malgré ces travaux, elle demeure partiellement inutilisable, ce qui alourdit chaque année les charges de maintenance. La sécurité seule représente entre 1,5 et 2 millions d’euros par an.

Voir aussi  Pourquoi l'Italie attire-t-elle tant les investisseurs immobiliers ?

Alors que le nouveau CHU s’installe sur un autre site, la question du devenir de cette immense carcasse devient urgente. Laisser le bâtiment vide reviendrait à immobiliser un site stratégique de 132 000 m² en plein cœur du territoire caennais.

Pour les élus locaux, la tour du CHU n’est plus seulement une icône architecturale : c’est désormais un fardeau économique et un symbole d’immobilisme qu’il faut repenser avant qu’il ne pèse encore davantage sur les finances publiques.

Le dilemme reste entier : préserver un patrimoine historique ou tourner la page ? Dans tous les cas, la facture s’annonce salée.

Entre contraintes techniques, enjeux patrimoniaux et exigences budgétaires, la décision à venir conditionnera l’image même de Caen et de sa modernisation urbaine.

Les regards se tournent désormais vers l’État, seul capable de trancher ce dossier complexe et coûteux.

Trois scénarios, un même défi budgétaire

Rénover : entre patrimoine et contraintes techniques

La première option envisagée consiste à rénover la tour du CHU. Le coût estimé, entre 220 et 280 millions d’euros, inclut une remise aux normes complète et une dépollution partielle. L’intérêt principal ? Sauvegarder un bâtiment emblématique signé d’un architecte majeur du XXᵉ siècle, tout en préservant une part d’identité urbaine.

Voir aussi  Bangkok : Drame mystérieux dans un hôtel de luxe

Mais cette option soulève des doutes : seule une partie des étages serait réellement exploitable. Le reste devrait rester vide ou reconverti à grands frais. La réhabilitation impliquerait aussi des contraintes techniques fortes, notamment liées à l’amiante et à la structure en béton vieillissante.

Pour les défenseurs du patrimoine, renoncer à la tour serait une perte symbolique. Pour les gestionnaires publics, c’est un gouffre financier sans retour sur investissement. Les positions restent tranchées.

Démolir ou attendre : des coûts tout aussi vertigineux

La seconde option, la démolition, coûterait environ 110 millions d’euros, dont 80 millions uniquement pour le désamiantage. Une opération lourde, mais qui permettrait de libérer un vaste espace pour de futurs projets urbains.

Reste le scénario redouté : le statu quo. Ne rien faire reviendrait à maintenir un bâtiment vide, nécessitant 2 millions d’euros par an en sécurité et entretien. Une charge insoutenable pour le CHU, déjà mobilisé sur la construction de son nouvel établissement.

Face à ces trois voies coûteuses, le dilemme demeure : faut-il préserver le symbole ou repartir d’une page blanche ? Pour l’instant, aucune ligne budgétaire n’a été débloquée par l’État.

Ce flou financier entretient l’incertitude, transformant chaque scénario en pari risqué sur l’avenir de la ville.

Voir aussi  Immobilier ancien : pourquoi la baisse des prix cache une vraie opportunité d’investissement pour 2025

À Caen, le débat dépasse désormais la seule question du coût : il touche à la mémoire collective et au visage futur du territoire.

Un choix politique et symbolique pour la Normandie

L’État face à un monument en suspens

Alors que le déménagement du CHU sera achevé d’ici 2027, la tour Côte de Nacre deviendra un bâtiment fantôme. Le maire de Caen, Aristide Olivier, et le député Joël Bruneau alertent le gouvernement depuis plusieurs mois. Selon eux, le statu quo serait le pire scénario, car il détournerait des millions d’euros des soins vers la surveillance d’un site vide.

Pour l’instant, le ministère de la Santé n’a arrêté aucune position officielle. Les études techniques ont été transmises, mais aucun financement n’est acté. Les élus locaux craignent qu’une non-décision finisse par faire glisser la tour vers la dégradation, rendant toute reconversion ultérieure impossible.

Dans ce dossier, chaque retard coûte cher et mine la confiance des habitants, attachés à ce repère visible depuis toute la ville.

Quel avenir pour la Côte de Nacre ?

Faut-il raser pour reconstruire, ou réinventer pour préserver ? Certains urbanistes plaident pour une transformation partielle en logements, bureaux ou pôle universitaire. D’autres estiment que seule la démolition permettrait de redonner souffle au quartier.

Ce débat dépasse les frontières du Calvados : il questionne la place du patrimoine hospitalier dans la ville de demain. À travers cette tour, c’est toute la mémoire collective caennaise qui se joue, entre héritage du passé et modernisation inévitable.

Quelle que soit la décision finale, elle marquera un tournant pour la Normandie : préserver un symbole ou tourner la page d’un demi-siècle d’histoire urbaine.