Savez-vous dans quels pays d’Europe la majorité des habitants possèdent leur logement ? Le classement révèle des contrastes surprenants : à l’Est, presque tout le monde est propriétaire, tandis qu’à l’Ouest, la location domine. Voici un tour d’horizon des chiffres clés et de la place de la France.
Les pays en tête du classement des propriétaires
La Roumanie, leader incontestée
Avec un taux qui frôle les 96 % de ménages propriétaires, la Roumanie reste la référence en Europe. Ce niveau exceptionnel s’explique par un héritage de privatisations massives des logements dans les années 1990, transformant des occupants en propriétaires à faible coût.
Conséquence directe : un marché locatif réduit et des ménages plus sensibles aux coûts d’entretien qu’aux loyers. Dans les grandes villes, la demande propriétaire reste dominante, même si les jeunes actifs se tournent davantage vers la location pour la mobilité.
Espagne, Pologne, Grèce et Italie, un quatuor solide
En Espagne, la culture de la « piedra » (la pierre) soutient historiquement l’accession, malgré la correction post-2008. Les achats familiaux, la transmission patrimoniale et les résidences secondaires tirent la part de propriétaires vers le haut.
La Pologne combine hausse des revenus, soutien public à l’accession et un parc locatif privé encore peu structuré. Résultat : une préférence marquée pour la propriété occupante, perçue comme protection contre l’inflation et les hausses de loyers.
En Grèce et en Italie, l’attachement culturel à la maison familiale est fort. La propriété y joue un rôle de sécurité intergénérationnelle : la résidence principale constitue souvent le premier actif, avant l’épargne financière.
Ce que disent vraiment les chiffres
Ces pourcentages élevés ne signifient pas des marchés « faciles ». Ils reflètent aussi des prix historiquement plus abordables en dehors des capitales, et des trajectoires où la propriété est l’option par défaut faute d’alternatives locatives qualitatives.
À l’inverse, les pays d’Europe du Nord/Ouest affichent des taux plus bas car le parc locatif y est plus vaste, régulé et sécurisé. La présence de logements sociaux, de coopératives et d’un crédit strict oriente une partie des ménages vers la location longue durée.
À retenir : les « bons élèves » en taux de propriétaires ne sont pas toujours ceux où l’immobilier est le plus simple d’accès aujourd’hui. Le contexte local (prix, fiscalité, offre locative, culture patrimoniale) pèse autant que les taux d’intérêt ou la démographie.
La France et les grands pays d’Europe de l’Ouest
65 % de propriétaires en France, une position médiane
Environ 65 % des ménages français sont propriétaires de leur résidence principale. Ce chiffre place la France dans la moyenne européenne, loin derrière la Roumanie ou la Pologne, mais devant l’Allemagne ou la Suisse.
L’INSEE souligne toutefois une particularité : près d’un quart des propriétaires détiennent à eux seuls plus de deux tiers du parc immobilier détenu par des particuliers. Cela traduit une forte concentration de patrimoine chez les ménages les plus aisés.
Le système des logements sociaux, qui loge près d’un quart des ménages, contribue aussi à limiter le passage à la propriété, les loyers modérés étant attractifs pour les foyers modestes.
Allemagne, Autriche, Suisse… pourquoi si peu de propriétaires ?
L’Allemagne affiche seulement 51 % de propriétaires. Historiquement, la reconstruction d’après-guerre a privilégié un parc locatif géré par l’État et les coopératives, renforcé par des protections fortes des locataires.
En Suisse, moins d’un habitant sur deux possède son logement. Le coût très élevé du foncier, la fiscalité sur la valeur locative et un marché locatif sécurisé expliquent cette singularité.
L’Autriche, avec à peine 55 % de propriétaires, illustre aussi cette tendance. La qualité des logements sociaux et la stabilité des baux à long terme rendent la location attractive.
Un contraste marqué avec le Sud et l’Est
Alors que les pays du Sud cultivent une véritable « culture de la pierre » et que l’Est profite de privatisations massives, l’Ouest combine prix immobiliers élevés, politiques de logement social et valorisation de l’usage plutôt que de la propriété.
Ce modèle permet à une majorité de ménages de se loger sans posséder, mais crée un contraste fort avec l’image traditionnelle d’ascension sociale liée à l’achat immobilier.
La France reste à mi-chemin : un pays de propriétaires dans l’ensemble, mais avec une part importante de locataires qui bénéficient de loyers encadrés, et une concentration du patrimoine dans les mains des plus fortunés.
Les explications derrière ces écarts
Héritage historique en Europe de l’Est
Dans les années 1990, la chute des régimes communistes a entraîné la privatisation massive des logements publics. Les occupants sont devenus propriétaires à très faible coût, parfois gratuitement. Résultat : une proportion de propriétaires extrêmement élevée encore aujourd’hui.
Cette dynamique a façonné un marché où la location est marginale et souvent informelle. La propriété reste perçue comme un statut social sécurisant face aux aléas économiques.
Une culture forte de la pierre en Europe du Sud
En Espagne, en Italie ou en Grèce, posséder son logement est une norme culturelle. L’investissement immobilier représente la meilleure garantie pour soi et ses enfants. La maison familiale joue le rôle de filet de sécurité en cas de crise.
Les ménages privilégient ainsi l’épargne immobilière à d’autres placements. La propriété intergénérationnelle renforce aussi ce modèle, les logements se transmettant fréquemment au sein des familles.
Prix élevés et logements sociaux dans le Nord et l’Ouest
En Allemagne, Suisse, Autriche ou encore en France, les prix immobiliers élevés freinent l’accession à la propriété. La solution ? Un parc locatif vaste et encadré, qui assure la stabilité des ménages sans les obliger à acheter.
Les logements sociaux jouent également un rôle clé. Ils offrent des loyers attractifs et de longues durées d’occupation, ce qui réduit la nécessité de devenir propriétaire.
Enfin, une conception culturelle différente du logement se fait sentir : dans ces pays, l’usage est plus valorisé que la possession. Louer n’est pas un échec, mais un choix rationnel, parfois même fiscalement plus avantageux.
Un paysage européen contrasté
Ces différences montrent qu’il n’existe pas un modèle unique d’accès au logement en Europe. Entre les pays où l’on est propriétaire par héritage, ceux où la propriété est culturelle et ceux où la location est institutionnalisée, chaque région trace son chemin.
La France, avec ses 65 % de propriétaires, reste dans une position intermédiaire : suffisamment élevée pour refléter une aspiration collective à la pierre, mais modérée par le poids des logements sociaux et des prix immobiliers en hausse.