Pourquoi ce notaire déconseille de donner sa maison à ses enfants avant la succession

Par Micheal Moulis le 19 décembre 2025 à 16:45

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Pourquoi ce notaire déconseille de donner sa maison à ses enfants avant la succession

Donner sa maison à ses enfants de son vivant paraît logique pour réduire les droits de succession. Pourtant, cette stratégie patrimoniale peut fragiliser fortement le parent donateur. De plus en plus de notaires alertent sur les risques concrets, souvent sous-estimés, liés à la donation de la résidence principale.

Donner sa résidence principale à ses enfants une fausse bonne idée

Donation en nue-propriété et usufruit comment ça fonctionne

La donation en nue-propriété consiste à transmettre la propriété juridique du bien à ses enfants, tout en conservant l’usufruit. Concrètement, le parent continue d’habiter le logement ou d’en percevoir les loyers, tandis que les enfants deviennent propriétaires « sur le papier ».

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Cette mécanique est souvent présentée comme avantageuse, car elle permet de réduire les droits de succession grâce aux abattements fiscaux et à la décote liée à l’âge de l’usufruitier. Sur le plan fiscal, l’opération peut effectivement sembler pertinente.

Un acte irréversible aux conséquences sous-estimées

Ce que beaucoup de parents ignorent, c’est que cette donation est définitive. Une fois la nue-propriété transmise, il n’est plus possible de revenir en arrière, même en cas de changement de situation personnelle ou financière.

Avec l’allongement de l’espérance de vie et la hausse du coût de la dépendance, se déposséder de sa résidence principale entre 60 et 80 ans peut devenir risqué. Si le bien représente l’essentiel du patrimoine, le parent perd une marge de manœuvre essentielle.

C’est précisément pour cette raison que de nombreux notaires déconseillent aujourd’hui cette stratégie lorsque le logement est l’unique actif immobilier. L’avantage fiscal peut alors masquer des risques civils majeurs pour le donateur.

Les risques concrets pour le parent donateur

Vente bloquée en cas de désaccord des enfants

Après une donation en nue-propriété, le parent ne peut plus vendre librement sa maison. Toute décision de vente nécessite l’accord unanime des enfants, devenus nus-propriétaires. En cas de conflit familial, le bien peut donc devenir totalement immobilisé.

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Cette situation est particulièrement problématique si le parent souhaite vendre pour financer un nouveau projet de vie, déménager ou faire face à une baisse de revenus. Sans consensus, il se retrouve juridiquement bloqué.

Le droit prévoit certes une protection minimale, mais elle reste contraignante. L’article 205 du Code civil impose aux enfants une obligation alimentaire envers leurs parents dans le besoin, ce qui peut créer des tensions durables au sein de la famille.

Maison de retraite EHPAD et dépendance financière

Le risque devient encore plus sensible en cas de perte d’autonomie. Si le parent doit intégrer un EHPAD, le coût mensuel peut dépasser plusieurs milliers d’euros. Or, sans possibilité de vendre son bien, le financement devient complexe.

Même lorsque les enfants acceptent la vente, la loi prévoit un partage du prix entre usufruit et nue-propriété. Les enfants peuvent alors exiger une part du capital, réduisant d’autant la somme disponible pour le parent.

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Cette réalité explique pourquoi les notaires alertent sur une fragilisation financière possible, malgré une intention initiale de transmission parfaitement légitime.

Quelles alternatives pour transmettre sans se mettre en danger

Transmettre d’autres biens ou liquidités en priorité

Lorsque les parents souhaitent anticiper leur succession, les notaires recommandent généralement de commencer par d’autres actifs. Donner un appartement locatif, une résidence secondaire ou des liquidités permet de préserver la résidence principale, tout en optimisant la fiscalité.

Cette stratégie offre davantage de souplesse. Le parent conserve un logement sécurisé et peut mobiliser son bien principal en cas de besoin, notamment pour faire face à une dépendance ou à une baisse de revenus.

Elle est particulièrement pertinente lorsque le patrimoine est limité. Transmettre sans se démunir reste alors la priorité, même si les économies fiscales sont moins immédiates.

La SCI comme solution plus souple et encadrée

Autre piste souvent évoquée par les notaires : la création d’une société civile immobilière. Le bien est apporté à la SCI, puis le parent peut donner la nue-propriété des parts à ses enfants, tout en restant gérant.

Grâce aux statuts, il est possible d’anticiper de nombreuses situations. Le parent peut conserver le pouvoir de décision, organiser les conditions de revente et prévoir une répartition plus favorable du prix en cas de cession.

Cette solution demande toutefois un accompagnement rigoureux. Bien utilisée, la SCI permet de concilier transmission patrimoniale et protection du parent donateur, sans sacrifier la sécurité financière.