Êtes-vous la prochaine victime d’une arnaque au crédit immobilier ?

Par Nicolas Augé le 26 mars 2024 à 18:08
Mis à jour le 07 mai 2024 à 15:23

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Escroc prenant la tirelire d'une femme agée sur fond vert

Devenir propriétaire, un rêve pour beaucoup de Français, mais avec la période de durcissement des octrois de crédit, une sombre réalité émerge. Des escrocs opérant en ligne et par téléphone ciblent les futurs acquéreurs, faisant miroiter des offres malheureusement trop belles pour être vrai. Une plongée dans les eaux troubles de l’immobilier révèle une fraude en plein essor, mettant bien souvent en danger les rêves de primo-accédants. Au sommaire :

Comment fonctionne l’escroquerie ?

S’apparentant plus à une technique de «  phishing », les escrocs sévissent sur Internet, attirant les victimes potentielles avec de fausses simulations de crédit immobilier sur des sites web frauduleux. Ces sites, souvent des clones de sites légitimes, trompent les utilisateurs en collectant leurs données personnelles et financières. Après avoir convaincu leurs victimes de verser leur apport personnel sur des comptes bancaires frauduleux, les escrocs disparaissent, laissant derrière eux des familles dévastées, ayant perdu parfois des économies de toute une vie. Les démarches pour obtenir réparation sont souvent longues et complexes, laissant les victimes dans une situation financière précaire. Une enquête de France 2 nous apprend qu’un jeune couple du Nord de la France, à Roncq, en a fait les frais, perdant ainsi leurs économies de toute une vie [source : https://www.francetvinfo.fr/enquetes-franceinfo/credit-immobilier-enquete-sur-une-escroquerie-qui-vise-votre-apport-personnel_6447118.html. Avec 26 000 euros d’apport, Victoria, 27 ans, et son compagnon pensaient réaliser leur rêve en trouvant la maison parfaite. Sabine, la mère de Victoria, se charge de faire les démarches pour obtenir les informations sur le crédit immobilier, en tapant notamment sur Google la requête » simulation prêt immobilier » où elle clique sur un résultat de «  Meilleurtaux.com » en apparence. L’histoire ne dit pas si c’était une annonce sponsorisée mais il y a de fortes chances que ce soit le cas. Malheureusement, le site n’est pas légitime et Sabine envoie une fausse simulation en ligne. Deux jours après, elle reçoit l’appel d’une personne qui se présente comme un conseiller financier d’Hello Bank. L’offre lui parait alors intéressante et nous connaissons la suite…Ce n’est pas nouveau, les escrocs utilisent des stratagèmes de plus en plus sophistiqués. En usurpant l’identité de sites web réputés tels que Meilleurtaux.com, ils contactent leurs victimes, proposant des offres de prêts immobiliers difficiles à refuser. En demandant des versements d’apport personnel sur des comptes frauduleux, ils dépouillent » les clients » de leurs économies sans méfiance. Se pensant «  intouchables », des escrocs se vantent de leurs méfaits sur les réseaux sociaux et proposent même des formations pour » devenir le parfait escroc ». D’ailleurs, un extrait audio d’un des présumés formateurs nous en apprend plus à ce sujet :

Je vais t’expliquer comment avoir une bonne éloquence, c’est quoi les termes à utiliser. Par exemple, comment tu vas engager la conversation, comment tu vas faire valider les paiements.

Un autre extrait audio revient sur l’échange entre l’escroc et sa victime suite à une tentative qui a apparemment aboutit, mettant en lumière la nature sans scrupules et sans compassion de ces individus :

– Je ne suis pas réellement un banquier, Madame, je suis un fraudeur. – Non !- Bah si, Madame, vous avez confirmé tous mes paiements. – Purée, c’est pas possible !- Madame, ça ne sert à rien de pleurer, je vous ai déjà envoyé en enfer, Madame.

Quels sont les impacts et les recours possibles ?

Les plaintes de plus en plus nombreuses révèlent l’ampleur de la fraude, avec des centaines de milliers de victimes touchées pour un préjudice financier colossal. Avec 1 262 sites frauduleux recensés en 2023, les autorités, telles que l’ACPR (contrôleur des banques et des assurances), luttent contre cette escroquerie. Rien que sur le début d’année 2024, cette dernière a communiqué sur 346 nouveaux sites ajoutés à la liste noire. De son côté, le président de Meilleurtaux, Guillaume Autier, nous donne plus d’informations sur la prolifération des faux sites de crédit immobilier :

Nous, comme d’autres entreprises, nous constatons plusieurs fois par semaine que de faux sites ont été créés qui sont d’ailleurs en général assez bien faits qui reprennent les codes couleur, des images de notre marque. Dans ces cas-là, nous avons des procédures pour faire tomber le site. Parfois ça fonctionne très vite, parfois ça prend plus de temps, nous avons plusieurs cas par semaine.

Malgré les plaintes déposées, peu de victimes sont remboursées par leur banque, souvent accusées de négligence. Nous apprenons ainsi que seule une plainte sur six serait remboursée à ce jour ! Le préjudice total pour les victimes se chiffre à plus d’1 milliard d’euros d’après Meilleurtaux, mettant en péril les économies de nombreux ménages et compromettant leurs projets immobiliers. Les plaintes s’accumulent, et les remboursements se font donc rares, incitant même une association de consommateurs à agir en justice contre plusieurs banques. En attendant, les autorités intensifient leurs efforts pour identifier et bloquer les sites frauduleux, mais la bataille est loin d’être gagnée. Alors que faire une fois que le mal est fait ? Il reste peu de possibilité et de recours mais voici ce qu’il est possible de faire dans l’absolu :

  • Utiliser le service THESEE, pour porter plainte en ligne dans le cas de cybercriminalité.
  • Contacter l’association de France Victimes au 116 006 (appel et service gratuits), numéro d’aide aux victimes du ministère de la Justice. Service ouvert 7 jours sur 7 de 9h à 19h.
  • Contacter la plateforme Info Escroqueries du ministère de l’Intérieur au 0 805 805 817 (appel et service gratuits). Le service est ouvert de 9h à 18h30 du lundi au vendredi.
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Les précautions à prendre

Ainsi, en plus des artisans malhonnêtes, des promoteurs immobiliers sans scrupules et des marchands de biens véreux, le secteur de l’immobilier est de plus en plus confronté à cette escroquerie au crédit sur Internet. Bref, vous l’aurez compris, il est ardemment recommandé de vérifier la légitimité des sites et des professionnels avec qui vous traitez, et évitez de transférer des fonds si l’accord de la banque parait «  trop rapide », voire » trop facile ». Quoi qu’il arrive, soyez méfiant et demandez au moins quelques jours de réflexion, rien que pour vous permettre de vérifier tout ce qui a été porté à votre connaissance, même si le soi-disant conseiller vous recommande de ne pas perdre de temps en vous incitant à faire l’opération sur le moment. Sinon, vous pourriez vous retrouver dans la même situation que Victoria, victime d’une fraude qui a bouleversé sa vie. Enfin, dans le cas où votre interlocuteur se présente comme un conseiller ou courtier en crédit ou que le site où vous avez atterri ressemble à celui de Meilleurtaux, d’Empruntis ou de Cafpi (attention : ce ne sont que 3 exemples, il n’y a pas que ces courtiers), voici les vérifications à effectuer par ordre de priorité :

  1. Effectuer une vérification des informations (adresse mail et URL du site) dans la liste noire de l’ACPR : https://www.abe-infoservice.fr/liste-noire-tableau-filtre.
  2. Demander et vérifier l’immatriculation ORIAS (Organisme pour le Registre des Intermédiaires en Assurances) de votre interlocuteur en vous rendant sur le site ci-contre : https://www.orias.fr/.
  3. Demander et vérifier si votre interlocuteur fait partie d’une des associations de courtiers en téléchargeant la liste des associations agréées en vous rendant sur le site ci-contre : https://acpr. banque-france.fr/autoriser/associations-de-courtiers.
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La vidéo sur ce sujet

Je vous invite à regarder cette vidéo :