Comment les passoires thermiques attirent-elles les acheteurs ?

Par Micheal Moulis le 05 septembre 2024 à 12:00

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Comment les passoires thermiques attirent-elles les acheteurs ?

Les passoires thermiques, ces logements dont l’isolation laisse à désirer, sont souvent considérées comme de mauvaises affaires. Pourtant, elles trouvent preneur beaucoup plus rapidement que les biens mieux notés en termes de performance énergétique. Comment expliquer ce paradoxe ? Voici quelques éléments de réponse pour comprendre cette tendance surprenante sur le marché immobilier.

Une décote qui attire les acheteurs

La première raison pour laquelle les passoires thermiques se vendent plus vite est la décote significative sur leur prix de vente.

Selon une étude récente, au premier trimestre 2024, les appartements étiquetés F ou G ont subi une réduction moyenne de 18,4 % sur leur prix de vente, tandis que les maisons ont vu leurs prix baisser de 33,9 %.

Cette différence de tarif par rapport aux logements mieux notés attire les acheteurs à la recherche de bonnes affaires, même s’ils doivent faire face à de futurs travaux d’amélioration énergétique.

En dehors de Paris, cette tendance se confirme avec une baisse générale des prix des appartements F ou G de 0,1 % au deuxième trimestre, contrastant avec la hausse des prix des logements classés C à E (+0,3 %) et A ou B (+0,7 %).

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Cette dynamique incite les acheteurs à opter pour des biens moins chers malgré leurs déficiences énergétiques.

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Un stock qui se renouvelle moins rapidement

Un autre facteur important est le faible taux de renouvellement des stocks de biens mieux notés.

Seulement 34 % des logements avec un DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) A ou B ont été vendus au premier trimestre 2024.

À l’inverse, 63 % des logements classés F ou G ont trouvé preneur durant cette même période. Ce décalage résulte en partie du nombre constant de mises en vente, quel que soit le niveau de DPE.

L’étude révèle également que 55 % des biens notés A mis en vente au deuxième trimestre étaient déjà disponibles au premier trimestre, montrant une accumulation de stocks.

Par contre, près des deux tiers des passoires thermiques mises sur le marché au premier trimestre ont été vendues avant la fin du second trimestre.

Cela signifie que les logements mal notés en termes de performance énergétique se vendent en moyenne 1,7 fois plus rapidement que ceux mieux classés.

Une opportunité pour investisseurs

Pour de nombreux investisseurs immobiliers, les passoires thermiques représentent une opportunité d’achat à moindre coût, avec la possibilité d’effectuer des rénovations pour augmenter la valeur du bien.

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Investir dans un logement à bas prix permet de libérer du capital pour entreprendre les travaux nécessaires.

Ces investissements peuvent ensuite bénéficier de subventions ou aides gouvernementales destinées à améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments.

Les villes où ces biens sont les plus abordables offrent encore plus d’incitations financières.

Saint-Étienne, Mulhouse, Limoges, Perpignan et Le Mans se distinguent par des prix déjà bas et en diminution continue pour les passoires thermiques.

Ce cadre attractif peut pousser un investisseur à choisir ces localisations plutôt que des marchés plus stabilisés et coûteux.

Localisation et demande

La localisation joue aussi un rôle crucial dans la rapidité de vente des passoires thermiques.

Les grandes agglomérations telles que Paris, Boulogne-Billancourt, Montreuil, Annecy, et Nice concentrent des passoires thermiques parmi les plus chères.

Ici, la demande demeure élevée grâce à l’attractivité de ces régions et la difficulté de trouver des logements à prix accessibles.

En revanche, dans des villes comme Saint-Étienne et Mulhouse, non seulement les logements sont moins chers, mais l’attrait financier combiné à des politiques locales encourageantes rend ces biens tentants pour ceux prêts à entreprendre des travaux énergétiques.

La demande reste donc forte, même pour des biens ayant initialement de mauvais scores énergétiques.

Des incitations à rénover

Le gouvernement et les collectivités locales mettent en place diverses mesures incitatives pour encourager la rénovation énergétique.

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Des dispositifs tels que les crédits d’impôt, les primes de rénovation et les prêts à taux zéro permettent aux acheteurs de financer les travaux nécessaires.

Ces avantages financiers pèsent lourd dans la balance et font pencher de nombreux acquéreurs vers des passoires thermiques qu’ils pourront transformer en logements économes en énergie.

Ces incitations rencontrent un réel succès auprès des acheteurs : obtenir un bien à un prix réduit puis investir dans sa valorisation énergétique devient une stratégie courante.

Ainsi, loin d’être rebutées par la nécessité d’engager des travaux, certaines personnes voient dans les passoires thermiques une manière d’accumuler de la valeur ajoutée à leur patrimoine immobilier.

Cet engouement pour les passoires thermiques, traduit par une vente rapide malgré des performances énergétiques médiocres, pourrait devenir une constante du marché immobilier.

Les acheteurs prioritaires sont les investisseurs cherchant à profiter des décotes et des incitations fiscales pour rénover et revaloriser ces biens. Une situation paradoxale où les logements moins performants sur le plan énergétique deviennent les cibles privilégiées par les acteurs avisés du marché.

Finalement, que ce soit pour des achats locatifs, de la spéculation ou simplement pour disposer d’un bien immobilier rapidement accessible financièrement, les passoires thermiques ont su trouver leur niche, volant parfois la vedette aux biens plus verts et soi-disant plus attrayants.