Crédit immobilier : un projet d’ordonnance pour réduire la protection des emprunteurs

Par Nicolas Augé le 25 mars 2019 à 18:14
Mis à jour le 07 mai 2024 à 15:23

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Les associations de consommateurs s’irritent d’un projet d’ordonnance qui empêcherait les emprunteurs d’être correctement indemnisés si une erreur est apparue dans le calcul du taux d’intérêt de leur crédit immobilier. Le gouvernement pourrait ainsi plafonner à 30 % du coût total du prêt l’indemnisation due aux emprunteurs, alors qu’actuellement, ils peuvent obtenir que l’ensemble des intérêts du prêt immobilier soient annulés.

Erreur de calcul des taux : un dossier de prêt sur deux

L’offre de prêt immobilier doit obligatoirement, depuis une ordonnance de 2016, afficher le taux annuel effectif global, le TAEG. Celui-ci englobe non seulement les intérêts, mais aussi les taxes, les frais, les rémunérations et autres commissions, ainsi que les assurances, connus du banquier au moment de l’offre de prêt et imposés à l’emprunteur. Le calcul de ce taux est obscur, mais c’est le seul critère qui permette à l’emprunteur de comparer deux offres et donc de faire jouer la concurrence, y compris auprès des banques européennes. Ce taux global protège aussi les emprunteurs contre l’application de taux usuraires par les banques et autres établissements de crédit. Ceux-ci doivent s’en tenir au taux d’usure maximum légal. Or il semble que les erreurs de calcul commises par les établissements bancaires et de crédit soient relativement fréquentes. Un contrat sur deux serait concerné par ces erreurs en faveur de la banque, notamment :

  • absence d’intégration de frais pourtant obligatoires,
  • calcul des intérêts sur l’année lombarde (période plus courte, de 12 mois de 30 jours, soit 360 jours), contraire au code de la Consommation.

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Ce ne sont ainsi pas moins de 15 000 personnes qui ont décidé de contester leur taux d’intérêt d’emprunt immobilier devant le juge pour en obtenir indemnisation. Le magistrat peut décider l’annulation partielle, voire totale des intérêts du prêt et aller jusqu’à déclarer les taux nuls. C’est alors le taux légal qui doit être appliqué, et les banques doivent reverser à leurs clients la différence avec le TAEG pratiqué. Cette différence peut s’élever, dans certains dossiers, à plusieurs dizaines de milliers d’euros.

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Assainir un « business » immoral

La course au dossier semble devenue monnaie courante dans certains cabinets d’avocats car l’enjeu est juteux. Les avocats promettent à leurs clients, emprunteurs particuliers ou investisseurs, de récupérer le «  pactole ». Les juges se montrant sévères vis-à-vis des banques, celles-ci ont convaincu le gouvernement de prendre une ordonnance pour plafonner les sommes à indemniser et ainsi mettre un terme à ce » business » immoral. Mais les associations de consommateurs ne voient pas les choses de la même façon. Elles considèrent en effet que l’ordonnance briserait un outil de protection des emprunteurs alors même que le panel réglementaire est suffisamment étoffé pour s’attaquer aux escrocs. Il faut souligner, d’ailleurs, que le nombre de sanctions infligées aux banques a fortement diminué ces derniers mois, passant de 59 % en 2018 à moins de 50 % en 2019.

Plafonnement rétroactif, la double peine

Le projet d’ordonnance prévoit également la rétroactivité du plafonnement, en contradiction avec l’article 2 du Code civil (non-rétroactivité de la loi) et de l’arrêt « Société du journal L’Aurore » (Conseil d’Etat – 25 juin 1948 – non-rétroactivité des actes réglementaires). La rétroactivité de l’ordonnance aurait pour effet, pour les associations, de valider les mauvaises pratiques des banques et de retirer aux emprunteurs lésés leur droit à réparation dans les affaires en cours.

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