La valeur de reconstitution des SCPI : comprendre, analyser et investir en connaissance de cause

Par Romain Suchaud le 27 juin 2025 à 17:05
Mis à jour le 27 août 2025 à 14:40

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La valeur de reconstitution des SCPI : comprendre, analyser et investir en connaissance de cause

Dans le monde de l’investissement en SCPI, la valeur de reconstitution est un indicateur fondamental. Elle permet d’évaluer le prix théorique d’une part de SCPI en intégrant la valeur des actifs détenus ainsi que les frais et droits liés à la reconstitution de la SCPI. À une époque marquée par une baisse généralisée des prix de l’immobilier tertiaire, cet indicateur prend une importance toute particulière.

L’étude menée par Louve Invest de 2018 à fin 2024 sur 89 SCPI met en lumière les dynamiques à l’œuvre autour de la valeur de reconstitution, les disparités sectorielles et géographiques, ainsi que les opportunités ou risques pour les investisseurs. Voici une synthèse approfondie de ses enseignements.

Définition et utilité de la valeur de reconstitution

La valeur de reconstitution correspond au coût qu’il faudrait engager pour reconstituer à l’identique le patrimoine d’une SCPI. Elle inclut la valeur des actifs immobiliers et financiers, mais aussi l’ensemble des frais d’acquisition : droits de mutation, commissions, frais de notaire, etc.

Elle est calculée deux fois par an, en juin et décembre, par un expert indépendant mandaté par la société de gestion.

Le prix de souscription d’une part de SCPI est encadré par la réglementation : il doit se situer dans une fourchette de plus ou moins 10 % par rapport à la valeur de reconstitution. Cela permet d’identifier deux cas de figure :

  • Si le prix de souscription est inférieur à la valeur de reconstitution, la SCPI est en situation de décote.
  • Si le prix est supérieur, elle est en situation de surcote.

Ce mécanisme encadre la fixation du prix de part, tout en offrant aux investisseurs une lecture claire de la valorisation du patrimoine sous-jacent.

Une stabilité jusqu’en 2022, une baisse marquée ensuite

L’analyse historique montre une certaine stabilité de la valeur de reconstitution entre 2018 et 2022. L’indice moyen reste quasiment inchangé sur cette période, avec une légère hausse de 0,43 %. En revanche, l’année 2022 marque un tournant : la baisse s’amorce et s’intensifie en 2023, pour se prolonger en 2024. Sur l’ensemble de la période 2022-2024, la valeur de reconstitution des SCPI étudiées a reculé en moyenne de plus de 8 %.

Ce repli s’explique par une baisse généralisée des prix de l’immobilier d’entreprise, mais aussi par la situation de quelques SCPI historiques, notamment investies dans les bureaux, qui ont vu leur patrimoine perdre fortement en valeur et qui pèsent mécaniquement sur la moyenne globale.

Au deuxième semestre 2024 toutefois, la baisse ralentit nettement : seuls 10 % des SCPI de l’échantillon ont vu leur valeur de reconstitution diminuer sur l’année, ce qui suggère une phase d’atterrissage après les corrections brutales de 2023.

Des écarts sectoriels très marqués

Toutes les SCPI ne sont pas affectées de la même manière. L’étude sectorielle de la valeur de reconstitution met en évidence des tendances contrastées :

  • Le secteur des bureaux subit la correction la plus forte, notamment en 2023 et 2024. Cette baisse s’explique par des mutations profondes des usages (télétravail, baisse des surfaces demandées) et une réévaluation baissière des actifs situés dans certaines zones tertiaires traditionnelles.
  • Les commerces, les hôtels et les établissements de santé poursuivent une tendance baissière continue, amorcée depuis plusieurs années.
  • Le résidentiel présente une courbe en cloche, avec une phase ascendante post-Covid, suivie d’un retournement en 2024. L’évolution sur 2025 confirmera ou non cette tendance.
  • La logistique tire son épingle du jeu. Portées par la croissance du e-commerce, les SCPI investies dans ce secteur enregistrent une hausse de leur valeur de reconstitution en 2024.
  • Enfin, les SCPI diversifiées résistent bien. Elles bénéficient d’un positionnement souple, souvent pan-européen, et de leur jeunesse : certaines sont encore dans leur phase de constitution de patrimoine, ce qui leur permet d’intégrer des actifs récents à bon prix.

Une dynamique géographique différenciée

L’analyse par géographie montre un écart significatif entre les SCPI centrées sur la France et celles orientées vers l’Europe :

  • Les SCPI françaises ont vu leur valeur de reconstitution reculer plus fortement. Cela s’explique par leur forte exposition historique aux bureaux et par des expertises révisées tardivement, mais sévèrement.
  • À l’inverse, les SCPI européennes affichent une meilleure résistance. Après une baisse entre 2021 et 2023, elles connaissent une stabilisation, voire une légère remontée en 2024. Leur capacité à diversifier leur patrimoine entre plusieurs pays européens semble jouer un rôle de stabilisateur.

Cette dynamique confirme l’intérêt d’une diversification géographique pour mieux absorber les chocs de marché et bénéficier de cycles immobiliers différents selon les pays.

Les SCPI en décote : opportunités à saisir

L’un des apports majeurs de cette étude réside dans l’identification des SCPI en forte décote, c’est-à-dire dont le prix de souscription est très inférieur à leur valeur de reconstitution. Ce type de situation peut représenter une opportunité intéressante pour les investisseurs, notamment si la décote résulte d’un ajustement tardif des expertises ou d’un excès de prudence de la société de gestion.

Les SCPI Epsicap Nano, Alta Convictions, Cristal Life et Log In affichent par exemple une décote supérieure à 8 %, proche de la limite réglementaire des 10 %. À noter également que certaines SCPI comme Cœur d’Europe ou Sofidynamic, qui affichaient de fortes décotes, ont procédé à une revalorisation de leur prix de part, tout en conservant un écart favorable.

Ces SCPI peuvent constituer un point d’entrée attractif pour les investisseurs en quête d’un rapport rendement/risque amélioré.

Les SCPI en surcote : vigilance requise

À l’opposé, certaines SCPI se trouvent en situation de surcote, leur prix de part restant supérieur à leur valeur de reconstitution, même après une baisse de prix. C’est le cas notamment de SCPI comme Edissimmo, Rivoli Avenir Patrimoine ou Primopierre.

Dans ces cas, la situation peut refléter une inertie dans l’ajustement du prix de part, ou encore une sous-performance de la valeur des actifs. La prudence est donc de mise : une surcote persistante peut annoncer une future baisse de prix, surtout si le patrimoine continue à être déprécié lors des expertises.

Évolution des prix de part en 2024

L’année 2024 a été marquée par une certaine stabilité du prix des parts pour la majorité des SCPI. Toutefois, des mouvements significatifs sont à noter :

  • Neuf SCPI ont baissé leur prix de part. Il s’agit souvent de SCPI historiques, de grande taille, qui ont été plus lentes à réagir aux évolutions du marché.
  • Six SCPI ont augmenté leur prix de part, signe d’une dynamique positive dans certaines zones géographiques ou certains secteurs.
  • La majorité des SCPI n’ont pas modifié leur prix, attendant probablement la prochaine expertise pour prendre une décision.

Il convient également de rappeler que la baisse d’un prix de part peut mécaniquement augmenter le rendement apparent, même si le dividende versé reste constant. Cette mécanique peut donner une image biaisée de la performance, et doit donc être interprétée avec précaution.

Par exemple, un dividende de 8 euros sur une part à 200 euros donne un rendement de 4 %. Si la part passe à 180 euros, le rendement grimpe à 4,44 %, sans que la performance réelle ait changé.

Comment arbitrer son portefeuille de SCPI ?

Face à ces évolutions, de nombreux investisseurs s’interrogent sur l’opportunité d’arbitrer leur portefeuille SCPI. Voici quelques repères proposés par Louve Invest :

  • Si vous êtes en phase de constitution de portefeuille, privilégiez les SCPI récentes, affichant une bonne décote et investies dans des secteurs porteurs (logistique, diversification européenne).
  • Si vous détenez des SCPI de longue date, il peut être judicieux d’alléger certaines lignes et de réinvestir dans des véhicules plus dynamiques, sous réserve de votre fiscalité et de vos objectifs patrimoniaux.
  • Si vous avez investi récemment, mieux vaut patienter : un horizon d’investissement trop court, inférieur à 8 ans, ne permet pas d’amortir les frais d’entrée. La durée moyenne de détention constatée pour les SCPI est de 22 ans.

Dans tous les cas, un investissement SCPI s’envisage sur le long terme, avec une attention particulière portée à la qualité du patrimoine, à la stratégie de gestion et à la transparence des données publiées.

Conclusion sur l’étude de la valeur de reconstitution

La valeur de reconstitution est un indicateur stratégique, à la fois outil de vigilance et levier d’opportunité. Elle permet de naviguer avec discernement dans un marché immobilier en mutation, en identifiant les SCPI sous-valorisées ou au contraire à risque.

L’étude menée par Louve Invest montre que derrière les moyennes globales se cache une réalité très hétérogène. C’est en analysant chaque SCPI au cas par cas, à la lumière de sa stratégie, de son secteur et de sa géographie, que l’on peut construire un portefeuille performant et résilient.

Loin de se limiter à un indicateur technique, la valeur de reconstitution est, pour les investisseurs en SCPI, un véritable outil de pilotage patrimonial.